Petit retour du côté des classiques en ce vendredi, je ne sais pas si c’est parce que je me sens coupable de vous parler autant d’ebooks non traduits, et que je sais que cela empêche certains d’entre vous de profiter de mes précieux conseils, mais cela faisait un moment.
Après une boulimie de contemporains cute et pas mal de relecture (je suis en train de me faire mentir, moi qui était une non-relectrice autoproclamée), il est temps.
Et il est temps de revenir à un classique de la littérature anglaise, A room with a vue de E. M. Forster, traduit en français par Avec vue sur l’Arno.
Mais je pense que la plupart d’entre vous auront, comme moi, découvert l’histoire avec l’adaptation en film de James Ivory en 1986, sous le titre Chambre avec vue.
C’est sur le roman de 1908 que votre attention doit se porter, l’adaptation sera pour après. Tandis que mon amie la météo continue de me martyriser, je rêve d’aller visiter l’Italie, comme Miss Lucy Honeychurch, notre héroïne.
Lucy qui joue les touristes à Florence, sous le chaperonnage attentif et sévère de sa cousine Miss Charlotte Bartlett. C’est le traditionnel « Grand Tour » que toute personne bien éduquée faisait à l’époque pour découvrir les civilisations classiques et parfaire son éducation. Hélas pour nos demoiselles, à leur arrivée à Florence, elles découvrent que les chambres avec vue sur l’Arno que l’on leur avait promises ne sont pas libres. Ce qui contrarie fort Miss Charlotte, qui ne manque pas de s’en plaindre lors du repas partagé avec les autres hôtes de la pension de famille où elles se trouvent.
Condamnées à passer leur séjour à admirer la cour intérieur du bâtiment et à subir les odeurs les plus désagréables, le séjour florentin s’annoncerait bien mal si M. Emerson, autre pensionnaire à la tendance chevaleresque, ne leur proposait pas un échange, son fils George et lui-même disposant justement de chambres avec vue. Proposition ô combien scandaleuse aux yeux de Miss Charlotte, outrée par tant d’audace et d’inconvenance de la part d’un illustre inconnu.
Cet épisode initial n’est qu’un prétexte pour faire se rencontrer les protagonistes de l’histoire qui suivra, Lucy et Miss Charlotte, M. Emerson et Georges mais aussi Révérend Beebe, Miss Eleanor Lavish, Miss Catherine et Miss Teresa Alan, et la Signora Bertolini, patronne des lieux…
C’est le portrait d’une société en plein changement, d’une tension permanente entre la jeunesse, la beauté, et les convenances sociales que nous raconte réellement E. M. Forster.
Si Miss Charlotte est la garante d’une certaine rigueur morale, la personnification du sacrifice au service du devoir, Lucy de son coté, est la jeunesse, l’innocence, l’audace parfois aussi de braver les règles.
Entre Lucy et Georges s’esquisse les prémisses d’une idylle, et sous la plume de l’auteur, la campagne italienne se fait le miroir radieux des émotions qui s’emparent d’eux, pour un moment.
Car, vous vous en doutez, la confrontation entre cette tentative de liberté et les conventions écrasantes d’une Angleterre edwardienne, ne sauraient tolérer une résolution si simple des tourments qui agitent chaque personnage du roman. De l’Italie au Surrey, Lucy devient le point central d’une véritable étude de la société de son temps, de son snobisme, du système de classes qui évolue, le tout sous la plume ironique et amusée d’un auteur qui sait aussi bien parler de satyre que de beauté ou de philosophie.
Avec vue sur l’Arno est réellement un roman d’apprentissage, celui de Lucy, et tout le talent de Forster s’exprime dans la caractérisation de son personnage, la rendant vivante et réelle à nos yeux plus que n’importe quel autre personnage de l’histoire. C’est d’ailleurs un reproche que l’on pourrait faire à l’œuvre, de n’avoir pas donné autant de vie à Miss Bartlett, à Georges ou à M. Emerson… Mais un reproche bien mineur quand on considère l’œuvre dans son ensemble et la maitrise avec laquelle elle est menée.
Cette histoire s’achève sur un dernier chapitre qui à lui seul vaut la lecture de tout le roman, un discours sur l’amour et le romantisme, sur la capacité de chacun à discerner en lui sa vérité, sur la liberté qu’il faut savoir saisir, quitte à en assumer le prix.
Sans vous dire un mot de plus, je ne peux que vous encourager à découvrir, si ce n’est pas encore fait, le livre, qui ne peut que plaire aux amateurs de Jane Austen et des sœurs Brontë. Et quand cela sera fait, alors seulement, je vous recommande d’aller voir l’excellent film dont je parlais plus haut, avec Helena Bonham Carter, Maggie Smith, Judi Dench, Daniel Day-Lewis pour ne citer qu’eux !
Bonne lecture et bon film,
Chi-Chi
Chi-Chi
Un de mes livres/films doudou!!! J'en suis tombée super amoureuse. Merci Chi-Chi!!
RépondreSupprimer:) de rien miss!
SupprimerJ'adore ce roman. J'avais aimé le contraste, la société en évolution et je trouve que Forster réussit à peindre des personnages parfois criants de vérité, avec leurs imperfections.
RépondreSupprimerOui, c'est un portrait social très réussi! :)
SupprimerJ'aime beaucoup l'adaptation mais le livre manque à ma culture
RépondreSupprimerA noter alors! Surtout si tu le trouves avec cette couverture magnifique, mon exemplaire est bien plus terne... ;)
Supprimertu me crois si je te dis que j'ai Lilicub dans la tete du coup?
RépondreSupprimerNon seulement je te crois mais en plus je compatis! ;)
SupprimerHihiiii !!! Je le VEUX !!!!
RépondreSupprimerSauf que j'ai lu Maurice du meme auteur et que j'ai moyennement aimé... mais là, tu fais référence aux soeurs Bronté et à Jane Austen quand même !!
RépondreSupprimerJe crois que cela vaut vraiment la peine de tenter, c'est de loin le livre le plus "léger" de l'auteur, je n'ai pas lu Maurice mais j'aurais tendance à dire que celui-ci sera plus facile!
SupprimerBon alors, si l'occasion se présente, je donnerais une deuxième chance à l'auteur !
SupprimerJ'espere que cela sera la cas. Sinon regarde au moins le film, il te donnera peut-etre plus envie de retenter! :)
SupprimerJe ne connaissais pas, mais tu as dit les mots magiques : Jane Austen ! Je vais donc essayer de le dénicher (ainsi que le film d'ailleurs !)
RépondreSupprimerJe dirais même plus... Elisabeth Gaskell aussi! ;)
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